- air
- I.Aller grand "air" et belle manière; dites, grand'"erre"; ce mot est féminin. On doit dire, aller grand'"erre", pour dire, faire trop grande dépense.II.Cette femme à l'"air bonne". Il y a un solécisme dans cette proposition; car le mot bonne se rapportant, ou devant se rapporter au substantif "air", qui est du genre masculin, il faut dire l'"air bon": elle a "l'air bon", et cependant elle n'est pas "bonne". Dans la derniere proposition, l'adjectif[4] "bonne" est en rapport avec la personne ou le sujet qui est du genre féminin; au lieu que dans la premiere, "bon" se rapporte au mot "air".La vertu toute nue a l'"air" trop indigent;Et c'est n'en avoir point que n'avoir point d'argent.En 1792, il y eut un pari de cent louis, sur la question de savoir s'il falloit dire: cette soupe "a l'air bonne", ou cette soupe "a l'air bon", M. de Laharpe fut pris pour juge; et M. Domergue nous apprend que cet Académicien jugea qu'il falloit dire: cette soupe "a l'air bonne". M. Morel, qui m'a communiqué cette anecdote, ajoute: «Je ne connois pas les raisons de M. de Laharpe; j'imagine pourtant qu'il a dû faire une distinction entre "avoir l'air bon", et "avoir un air bon"; "avoir l'air bon" signifie, "paroître bon", en latin "videri bonus"; "avoir un air bon" se rendroit par "præbere faciem, speciem bonam". Dans le premier de ces exemples, "bon" qualifie le sujet, et dans le second, il qualifie l'objet, "faciem", "speciem". Quand je dis: cette femme "a l'air bonne", c'est comme si je disois: cette femme "a l'air d'être bonne", ou "paroît bonne", ou "paroît être bonne". Le mot l'"air", dans "cette femme a l'air bonne", est pris dans une acception étendue; dans "a un air bon", au contraire, le mot "air" est pris dans une acception restreinte, au moyen de l'adjectif "un". Je crois donc, pour les raisons que je viens d'exposer, qu'il faut dire: cette femme "a l'air bonne", "spirituelle"; cette soupe "a l'air bonne", et qu'il seroit ridicule de dire que la femme "a l'air bon", spirituel, et que la soupe "a l'air bon".»Malgré ces deux autorités respectables, je persiste à croire que "bon" qualifie "air"; car j'attribue la bonté à l'"air", et non pas au substantif "femme"; et les explications qu'on a données me paraissent forcées. Dans cet exemple, l'"air" signifie l'extérieur, les manieres; on doit donc dire: elle a l'"air décent", comme on dirait: elle a l'"extérieur décent".C'est encore une faute de dire, cette personne donne "d'air" à telle autre. Le mot "air" signifie bien quelquefois ressemblance; on dit: ce jeune homme a l'air de son pere; mais il paroît absurde de dire: il "donne d'air" à son pere. Cette expression signifieroit toute autre chose.
Dictionnaire grammatical du mauvais langage. Étienne Molard. 2014.